Gestion active multi-gérants : performante en Europe ?

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Gestion active multi-gérants : performante en Europe ?

Face à l’engouement pour la gestion passive en Europe, quel risque court l’investisseur face à la concentration de certaines valeurs ? Aperçu des avantages de la gestion multi-gérants en Europe.

Le récent mini-crash des marchés a mis en exergue les risques inhérents à la gestion indicielle, qui de par sa construction suit automatiquement les fluctuations des indices de marché. En période de forte volatilité, les fonds indiciels et les ETF, en répliquant des indices largement exposés à certains secteurs ou grandes entreprises, n'ont pas pu se protéger contre les pertes. Cette absence de flexibilité pose un certain risque, car les investisseurs se retrouvent fortement exposés aux mouvements de marchés sans possibilité de réajustement stratégique. Contrairement à la gestion active, la gestion passive subit directement les chocs, amplifiant ainsi les risques d’ajustement pour les investisseurs.

Historiquement, les investisseurs européens en actions ont longtemps favorisé la gestion active en raison de la diversité économique et culturelle du continent, qui offre de nombreuses opportunités d'arbitrage et de sélection de titres. Cependant, on s’aperçoit que la part d’actifs sous gestion active ne cesse de diminuer depuis une dizaine d’années en Europe, et ceci en faveur de la popularité croissante de la gestion passive qui est passée de 20.3% des AUM en 2014 à 37.3% fin 2023 pour les actions (Source : Morningstar).

Graphique 1 : Flux investis en actions dans les fonds européens en milliards.

 

Malgré cette montée en puissance des instruments passifs, la gestion active reste une option intéressante et potentiellement supérieure en Europe en termes de performance ajustée du risque. Encore faut-il que le marché ne soit pas complètement efficient. Un marché est considéré efficient si les variations de prix des actifs s’ajustent immédiatement et de manière complète à toute nouvelle information, et en considérant des investisseurs rationnels. Dans ce cas, la gestion active ne se distingue pas. Cependant, la réalité est souvent plus nuancée.

Le marché européen présente des caractéristiques intéressantes pour la gestion active, notamment de par la complexité et la fragmentation de ce marché. De nombreux pays rejoignent ce marché avec des économies, des réglementations et des devises différentes. Ces disparités créent des opportunités de marché pour les gérants, leur permettant de sélectionner des actions spécifiques dans différents pays et secteurs, qui peuvent être insuffisamment suivies par le marché, et laisser ainsi la place pour la surperformance. En outre, une gestion active permet de réagir rapidement aux événements ou changements de perspectives économiques. Par exemple, en cas de risques accrus, comme les récentes incertitudes politiques en France, la flexibilité des fonds actifs devient un atout important dans un marché où ces conditions peuvent varier rapidement. Rajoutons également la problématique de la concentration, de plus en plus prégnante, même en Europe. La concentration des positions dans un indice découle en générale de la répartition par capitalisation, où quelques grandes entreprises dominent la cote (ASML, Novo Nordisk, etc.). Si ces entreprises sous-performent, les produits financiers indiciels en souffrent fortement. Ce risque s’est accru ces dernières années, en particulier depuis 2020. À titre d'exemple, durant la période du 1er au 5 août, de grands noms comme ASML ou Novo Nordisk ont fortement sous-performé par rapport à l'indice. Le constat est similaire pour le marché américain où NVIDIA, Amazon et Tesla ont également enregistré une sous-performance significative. Les 10 plus grandes positions de l'indice MSCI Europe, parmi 417, ont ainsi contribué à 23.7 % de sa baisse durant cette même période.

La gestion active peut gérer ce risque par la diversification des investissements et par l’ajustement des allocations afin d’éviter une dépendance excessive à un nombre restreint de grandes entreprises. Par ailleurs, l’attractivité de valorisation des entreprises de plus petite taille peut également, dans la diversification, atténuer le risque de concentration sur des valeurs chères. Le marché européen fleurit de petites et moyennes entreprises. Celles-ci sont souvent moins couvertes par les analystes, et les inefficiences y sont plus importantes, permettant de découvrir des entreprises où la croissance est plus élevée et peu investie par les fonds passifs. Cette dynamique ouvre des opportunités pour les gérants actifs qui possèdent les compétences et l’expérience nécessaires pour identifier ces opportunités.

En bref, l’hétérogénéité du marché européen est propice à une approche multi-gérants en raison de cette diversité économique et culturelle du continent. Elle permet de combiner l'expertise de gestionnaires spécialisés dans différents pays et secteurs, d'adapter les stratégies aux spécificités locales pour mieux gérer les risques liés aux marchés européens complexes. La diversification garde tout son atout, et permet de gérer les risques par une réactivité face aux changements de marché et de concentration accrue. Elle souligne l’importance de la performance ajustée du risque pour la création de valeur à long terme.

 

Dany Batelaan
Ingénieur diplômé (MSc) en microtechnique à l’école d’ingénieurs de Genève en 2012, Danny Batelaan a débuté sa carrière en tant que chef de projet dans l’industrie horlogère. En 2022, il a rejoint la BCGE et obtenu le diplôme (MSc) en gestion d’actifs et risques à la HEC de l’Université de Lausanne. Il a intégré l'équipe de sélection de fonds de placement en 2023 et poursuit la certification CFA.